« L’Impermanence de toute chose »


Curated by Lou Anmella-de Montalembert


Li ChevalierCaroline de BoissieuLee Jin Woo

Yao LuYang YongliangJiang Zhi


24 février - 26 juin 2022

 

Video by Ian Lee

“L'Homme suit les voies de la Terre,

la Terre suit les voies du Ciel,

le Ciel suit les voies de la Voie,

et la Voie suit ses propres voies.”

Lao Tseu, Tao Te King

 

Miroir de la société, l’art nous renseigne sur la manière dont l’homme pense le monde et notamment la relation qu’il entretient avec la nature. L’évolution de sa représentation et de son symbolisme reflète les divers courants de pensées, philosophiques ou religieux, qui ont jalonné notre culture. 

« L’Impermanence de toute chose », présentée par OPENART Advisory + Projects, est une invitation à observer et explorer la représentation de la nature dans la création contemporaine sous le prisme de la pensée taoïste. Son titre s’inspire des aphorismes qui composent Le Livre de la Voie de Lao Tseu. Elle se fait l’écho des liens d’interdépendance entre l’homme et la nature prônés par cette sagesse millénaire, suggérant la préservation de l’un par l’autre dans une totale unisson.

« L’Impermanence de toute chose » est une suggestion à prendre de la hauteur, pour découvrir une sagesse millénaire qui a forgé une partie de la civilisation en Asie. « L’Impermanence de toute chose » utilise les arts visuels et leur histoire comme un espace de réflexion, de construction et d’expression de notre propre interprétation du monde.

La pensée en Occident s’est développée autour de la conception du monde dualiste de René Descartes - la nature et la culture sont séparés - qui suppose que l’homme n’est pas une partie inhérente de la nature, et qui conceptualise la nature comme un objet à étudier et à utiliser pour soutenir la progression et l’évolution de l’homme.

Du côté de l’extrême-orient, la pensée et le rapport homme-nature sont largement nourris par le taoïsme. Selon cette philosophie, les antagonismes sont considérés comme complémentaires, liés par une interdépendance dynamique, à l’image du symbole yin-yang : l’un n’existe pas sans l’autre, l’un contient l’autre et l’un peut devenir l’autre. Ainsi, la pensée taoïste ne propose pas de vision dichotomique de la relation entre l’homme et la nature, mais suggère que chaque pôle fait partie de l’autre, et prône leur symbiose. Cette importance accordée à la nature s’incarne dans l’histoire de l’art asiatique par la place prédominante accordée à la peinture de paysage. Appelée shanshui en Chine, sansu en Corée et sansui au Japon ; qui se traduit par « peinture des monts et des eaux », cette peinture de paysage ne cherche pas à illustrer une perspective fixe ni à reproduire formellement la nature, mais à refléter son pouvoir créateur et l’idée de sa transformation permanente. Lorsqu’elle est représentée, la figure humaine est de petite taille, rappelant que l’homme doit se fondre dans la nature, dont il fait partie.

Cette nature en changement continuel devient un reflet du temps qui passe et de son caractère évanescent. Tout passe. La graine pousse, l’arbre grandit et étire ses branches, il déploie ses feuilles qui verdissent avant de faner, se flétrir et tomber. L’eau de pluie s’abat sur la terre pour former une rivière qui s’écoule le long de la montagne jusqu’à l’océan, puis s’évapore pour devenir une mer de nuages. Les montagnes et les rochers aussi, bien que symboles d’éternité, évoluent et s’érodent avec le temps - leur permanence est illusoire. A travers les éléments naturels et leur cycle de vie, l’homme se découvre lui-même et reconnaît son devenir, impermanent et éphémère.

Assurément, ce concept taoïste de la fugacité de la vie trouve des correspondances dans d’autres philosophies orientales, ainsi que dans certains courants de la pensée occidentale, qui se sont incarnés dans l’art. Les peintures de vanités, un genre particulier de nature morte qui se développe à partir du XVIIè siècle en Hollande, sont composées d’objets symboliques qui rappellent à l’homme son Memento Mori - la futilité de la vie, le temps qui passe, la mort.  

Le romantisme, qui naît en Allemagne à la fin du XVIIIè siècle, participe à l’essor de la peinture de paysage. Porté par la théorie du sublime d’Edmund Burke, ce mouvement littéraire et pictural, accorde une dimension spirituelle à la nature, en témoignent les peintures mystiques de Caspar David Friedrich qui dépeignent la petitesse de l’homme face à une nature insondable et terrifiante.

Ainsi, l’harmonie entre l’homme et la nature, et la permanence du changement sont deux des préceptes fondamentaux du taoïsme. L’exposition « L’Impermanence de toute chose » réunit des oeuvres des artistes Li Chevalier, Caroline de Boissieu, Jiang Zhi, Lee Jinwoo, Yang Yongliang et Yao Lu, dans lesquelles la nature, en tant que sujet ou objet, devient un terrain d’expression philosophique à l'ère de la conscience écologique.

« L’Impermanence de toute chose » n’est pas une exposition d’artistes taoïstes. Elle réunit des artistes ancrés dans la contemporanéité, dont la pensée est nourrie de références multiples, d’ici et d’ailleurs, d’hier et d’aujourd’hui. Certains sont originaires d’Asie et ont fait de l’Europe leur terre d’accueil, tandis que d’autres voyagent entre les continents. Certains puisent leur inspiration dans leur héritage culturel, tandis que d’autres bousculent les traditions.

A la lisière du paysage et de l’abstraction, les peintures de Li Chevalier rappellent la dimension symbolique du paysage shanshui, reflet de l’âme de l’artiste, tandis que Caroline de Boissieu souligne le caractère ambivalent de l’eau dans sa série de vagues à l’encre de Chine. Avec ses photographies de fleurs dévorées par les flammes, Jiang Zhi revisite le genre de la nature morte. Se servant du charbon comme matériau privilégié dans son travail, Lee Jinwoo invite à méditer sur le mouvement circulaire de la vie. Prenant l’aspect de paysages shanshui traditionnels, les montages photographiques de Yang Yongliang et Yao Lu avertissent sur la fragilité de la nature et les déséquilibres écologiques provoqués par l’activité humaine. 

« L’Impermanence de toute chose » est une invitation à modifier notre regard, à observer la création de ces artistes à travers le prisme de la sagesse taoïste, pour ainsi s’autoriser un nouveau fil de penser l’art et par conséquent, le monde.

 

Li Chevalier, From Here Flows Time, 2020, Ink on canvas, 100 x 100 cm

Li Chevalier Artiste française née en Chine en 1961, Li est diplômée des Beaux-Arts du Central Saint Martins College of Art & Design de Londres, et a obtenu son diplôme d'études supérieures en philosophie et politique à l'Université de la Sorbonne à Paris. Aujourd'hui basée à Paris, en France. A la lisière de l'abstraction et de la figuration, Li Chevalier explore le pouvoir expressif de la peinture à l'encre sur toile, y intégrant d'autres matériaux et techniques (pigments, minéraux, sable, collage de papier et calligraphie). Utilisant la fluidité de l'encre et de l'eau, elle crée des paysages semi-abstraits qui invitent le spectateur à une brève retraite philosophique et spirituelle. .

 

Lee Jin Woo, Untitled (10), 2018, charcoal and pigments on Hanji paper, 80 x 51 cm

Lee Jin Woo, born in 1959, Seoul, South Korea, received a degree in Fine Arts from the University of Sejong, Korea, in 1983 as well as at the University of Paris VIII in 1986. He currently has his studio in Paris where he now lives and works. In mid 70s Korea, a generation of artists broke with their artistic heritage, calling themselves the Dansaekhwa group, a Korean term for monochrome painting, initiating an exploration into the physical limitations of art’s materiality, connecting the viewer to the spiritual principles of Taoism, Confucianism and Buddhism.

 

Yang Yongliang, The Traces, 2018, 4k video, screenshot

Yang Yongliang, born in 1980, Shanghai, China, was trained in traditional Chinese art since early childhood, later graduating in 2003 from China Academy of Art, Shanghai with further studies in Visual Communication. He teaches at Shanghai Institute of Vision Art and lives and works between New York and Shanghai. He exploits the connection between traditional art and the contemporary by implementing ancient Asian aesthetics and academic beliefs with modern language and digital techniques such as photography, painting and videography.

Caroline de Boissieu, Gaia, 2020, Mixed media on laminated art glass, 83 x 83 cm

Caroline de Boissieu née en 1951 en France, Caroline de Boissieu a étudié la Communication Visuelle à l'Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris. Après deux décennies passées à travailler dans des agences de stylisme et de design, elle décide de se concentrer sur sa carrière d'artiste professionnelle au début des années 2000. Dans son atelier situé au centre de Paris, elle développe son art ainsi que des projets artistiques et des installations avec des cabinets d'architectes.


 

Yao Lu, Detail of Mountain Trek, 2009, 100 x 56 cm, edition 2 of 10

Yao Lu (born in 1967, China) studied Fine Arts at the Central Academy of Fine Arts (Beijing, China) and Photography at the Queensland College of Arts, Griffith University (Brisbane, Australia). Based in Beijing, China, he is a professor at the Photography Department of the China Central Academy of Fine Arts alongside his artistic practice. Lu’s approach of photography is very contemporary, as he re-assembles and re-edits true images in a fictional way. With his photomontages, he wishes to express contemporary issues: the dramatic development and urbanisation of China, the environmental crisis.

 

Jiang Zhi, Love Letters No.12, 2014, Archival inkjet print, 180 x 135 cm, edition 2 of 5

Jiang Zhi was born in 1971 in Yuanjiang, China, Jiang Zhi graduated from the China Academy of Art (CAFA) in 1995. He currently lives and works in Beijing, China. Widely regarded as one of the most versatile Chinese artists of his generation, Jiang Zhi works with a wide range of media, including photography, painting, video and installation as well as publishing volumes of fiction and poetry. Consistently engaging with contemporary social and cultural issues, Jiang consciously positions himself at the intersection of poetics and sociology,

 
 

Curator’s Quote : 

« C’est en empruntant le chemin de l’art, que j’ai découvert l’Asie. La Chine, tout d’abord, avec l’effervescence de sa scène artistique contemporaine dont j’ai déroulé le fil pour comprendre son héritage traditionnel. De là, j’ai commencé à me plonger dans les grandes sagesses qui ont influencé et formé la pensée chinoise, et plus largement la pensée extrême-orientale. J’ai particulièrement été touchée par le taoïsme, et son précepte d’interdépendance entre tous les éléments qui composent l’univers : nous faisons partie du monde et le monde fait partie de nous. Avec l’exposition « L’Impermanence de toute chose » je souhaite remonter le fil de mon expérience, à contre-courant. Je souhaite prendre comme point de départ certains préceptes du taoïsme et les appliquer à la lecture de l’art contemporain, pour en proposer une interprétation. »  Lou Anmella-de Montalembert

 

 

 

Lou Anmella-de Montalembert | curator

Lou Anmella-de Montalembert (née en 1991 à Paris, France) travaille dans le milieu de l’art contemporain comme cheffe de projets, consultante et pour la première fois commissaire de cette exposition en ligne. Elle est diplômée de l'Université de la Sorbonne Paris I en Histoire de l'Art et de l'Université de Cergy-Pontoise en Ingénierie Culturelle. Elle est actuellement basée à Paris, France. Elle commence sa carrière dans le grand magasin de luxe Le Bon Marché Rive Gauche où elle participe à la gestion de la collection d'art et de design, et au pilotage d’expositions d’artistes émergents et renommés tels que Martin Parr, Ai Weiwei et Chiharu Shiota. Passionnée par l'art chinois et les cultures asiatiques, elle s'installe en Chine en 2017 pour s'immerger dans la scène artistique locale. A Shanghai, elle participe au commissariat d'expositions photographiques à la galerie M97.

Depuis 2018 avec son agence Maison Jade Art, Lou Anmella-de Montalembert s'engage à faciliter la connaissance et la circulation des créations artistiques entre la France et la Chine, l'Asie et l'Europe. Elle collabore notamment avec la foire d'art ASIA NOW Paris en tant que coordinatrice de la production et des projets curatoriaux, et participe à la création d'un programme de résidence d'art croisée entre la France et la Chine. Elle collabore désormais avec la Galerie Vazieux à Paris pour développer la programmation et les projets de la galerie avec des artistes asiatiques émergents et établis. Lou Anmella-de Montalembert est également co-fondatrice de l’association française ACA project qui se consacre au partage de connaissances et à la compréhension de l'art contemporain asiatique auprès du public français, à travers une plateforme en ligne ainsi que l'organisation de conférences et de visites culturelles à Paris .

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@maisonjadeart